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Arbitrage : La règle et la psychologie

L'arbitrage se retrouve à nouveau au cœur des débats en France suite à la cinquième journée de Ligue 1, disputée le week-end dernier. À l'origine de la controverse, Tony Chapron, arbitre du derby du Nord entre Lens et Lille (1-4), pour avoir expulsé deux joueurs lensois, non pas pour des fautes ou des gestes violents, mais pour contestation et provocation pour l'un, et demande d'un carton jaune pour un adversaire pour l'autre. Il faut dépasser les lieux communs dénigrant l'arbitrage français, pour étudier la vraie question en jeu ici : faut-il appliquer les règles à la lettre, ou privilégier la psychologie ?


Le bouc-émissaire idéal

L'arbitre assistant de Tony Chapron a reçu un
projectile venant des tribunes lors de Lens - Lille.
Ca y est, la France du football s'enflamme à nouveau sur le thème de l'arbitrage. Sevrés de polémique depuis le début de la saison, les médias semblent soulagés de pouvoir enfin se lâcher. Journalistes, consultants, anciens arbitres, supporters... Tous se liguent contre Tony Chapron, l'arbitre de Lens – Lille, pour avoir exclu deux joueurs lensois de manière trop sévère selon eux. L'accusé (car c'est bien ce qu'il est aujourd'hui) est d'ailleurs un récidiviste. Et les plus paranoïaques y verront un complot anti-nordistes. Car M. Chapron avait déjà par le passé fait parlé de lui, lors d'un Toulouse – Lille en Coupe de France d'abord, au cours duquel il avait exclu deux joueurs lillois (Yohan Cabaye et Ludovic Obraniak) pour des faits relativement similaires. Lors de la rencontre Valenciennes – Bordeaux la saison dernière, ensuite, à l'issue de laquelle il fut accusé par les Nordistes d'avoir tenu des propos insultants à leur égard, et fut même traité de « raclure de bidet » par leur président, Francis Decourrière (le jugement de cette affaire a donné raison en appel à Tony Chapron). Ajouté à cela sa réputation de gâchette facile en ce qui concerne les cartons, et d'absence de psychologie, et voilà le bouc-émissaire idéal, antipathique à souhait. Mais il faut dépasser ces attaques personnelles (qui ont d'ailleurs fait passer au second plan le bien plus grave jet d'un projectile sur son arbitre assistant au cours du derby du Nord).

Des consignes spécifiques

Expulsion d'E. Cissé lors de Bordeaux - Marseille.
Le football est encadré par dix-sept règles, les fameuses « Lois du Jeu ». Le problème est qu'elles sont largement ouvertes aux interprétations des arbitres. C'est pourquoi chaque année, en début de saison, des directives sont données par les directions nationale et européenne de l'arbitrage, et annoncées dans les clubs, dans l'idée d'une harmonisation au niveau national ou européen sur certains points. Il y a quelques années, les arbitres français avaient ainsi eu pour consigne de ne plus laisser passer les récurrents tirages de maillot dans la surface de réparation. On se souvient du défenseur parisien Mario Yepes, qui avait concédé deux pénalties au cours de la même rencontre pour ce genre de faute. Mais tous les arbitres n'avaient pas appliqué cette consigne, et l'expérience tourna court. La saison dernière, les directeurs de jeu avaient eu pour instruction de siffler toutes les mains, intentionnelles ou non. Devant les polémiques suscitées par ces décisions, là aussi, cette idée avait été rapidement abandonnée. Cet été, pour ne pas déroger à la règle, la direction européenne de l'arbitrage a donné pour consigne aux arbitres de sanctionner d'un carton rouge un joueur qui les applaudirait ironiquement, et d'un carton jaune un joueur réclamant un avertissement pour un joueur adverse. Apparemment, les Lensois Sébastien Roudet et Issam Jemâa avaient oublié ces mises en garde samedi soir lors de Lens – Lille, ce qui leur coûta une expulsion. M. Chapron a donc appliqué la règle, comme il l'a expliqué lui-même, et on peut difficilement lui donner tort sur ce point.

Un arbitrage hétérogène

Mais le problème, c'est que tous les arbitres ne se tiennent pas strictement à la règle. Des contestations, il y en a à chaque rencontre, et elles ne sont pas toutes sanctionnées de la même manière (il est vrai qu'elles sont plus ou moins de véhémentes). Malgré les consignes que nous avons citées, il n'y a donc pas d'harmonisation de l'arbitrage en France, et encore moins en Europe (les différences sont par exemple considérables entre les arbitrages anglais et italien). C'est problématique pour deux raisons. D'abord, cela ne facilite pas la tâche des joueurs dans leur approche des matches, puisque leur niveau d'engagement est diversement sanctionné d'un arbitre à l'autre. Ensuite, cela crée ces multiples polémiques autour de l'arbitrage, chacun pouvant interpréter différemment un fait de jeu. Une harmonisation est donc nécessaire

Un besoin de psychologie ?

Howard Webb lors de la finale de la Coupe du monde 2010.
Cette harmonisation doit-elle faire la part belle à la psychologie ? Le meilleur exemple d'un arbitre privilégiant cette approche psychologique est celui de la dernière finale de la Coupe du monde (Espagne – Pays-Bas, 1-0), l'Anglais Howard Webb. Malgré le jeu agressif des Hollandais, seul Heitinga a été exclu, pour deux cartons jaunes, alors que d'autres (De Jong, Van Bommel...) le méritaient sûrement plus. Mais cette approche, qui vise à ne pas envenimer, hacher ou fausser une rencontre par une distribution excessive de cartons, peut mettre en péril la santé des joueurs, puisque des tacles dangereux ne sont parfois pas assez durement sanctionnés, par exemple. Il faut donc utiliser cette psychologie avec parcimonie : rester ferme sur les gestes violents, mais peut-être plus coulant sur des faits secondaires, comme les contestations (si elles ne sont pas agressives), ou des détails, comme un joueur qui retire son maillot après un but.


En définitive, ces nouveaux débats sur l'arbitrage montrent toute la nécessité qu'il y a d'arriver à harmoniser le plus possible l'arbitrage du football, en privilégiant une approche mixte entre application stricte de la règle et psychologie. Les décisions seraient ainsi plus facilement comprises par le public, et mèneraient donc à moins de polémiques. C'est par ailleurs une des solutions pour rétablir un climat plus serein autour des arbitres.

1 commentaire:

Christophe a dit…

Je partage complètement cette analyse.
Chapron paie en fait le manque d'harmonisation dans l'application des règles.
C'est bien regrettable.

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