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Qatar 2022 : un choix économique



Le 2 décembre dernier, le comité exécutif de la FIFA a attribué au Qatar l'organisation de la Coupe du monde 2022. Un choix exotique, une première pour un pays musulman, qui s'inscrit dans la volonté de l'instance du football mondial d'ouvrir sans cesse de nouveaux marchés juteux pour le football. Mais cette désignation est plus que contestable. Tour d'horizon des aspects sportif, démographique, économique et écologique d'un tel choix.




Une victoire douteuse ?

La désignation surprise du Qatar pour organiser la Coupe du monde 2022 en a surpris plus d'un. D'autant que ce petit État du Golfe persique a largement battu le grand favori, les États-Unis, 14 voix à 8. Cette victoire du pays où tout s'achète n'a pas manqué de soulever les suspicions de corruption. Le Wall Street Journal a même accusé le Qatar d'avoir « acheté » le vote de Julio Grondona, le président de la Fédération argentine, en offrant 60 millions d'euros à l'institution. Cela fait tâche, d'autant qu'en octobre, des journalistes du Sunday Times se faisant passer pour des lobbyistes avaient filmé deux membres du comité exécutif de la FIFA (aujourd'hui provisoirement suspendus) acceptant d'échanger leur vote contre de l'argent. Le doute plane, donc. Surtout qu'en septembre, la FIFA ne s'était pas montrée très optimiste suite à sa visite d'inspection de la candidature qatarie.

Même la partie émergée de l'iceberg fait tiquer. Car le Qatar a obtenu le soutien de stars venues défendre au prix fort sa candidature. Un lobby forcément efficace, puisque l'on parle ici de Zinédine Zidane (qui a empoché 11 millions d'euros pour l'occasion) ou de l'entraîneur du Barça Josep Guardiola. Autre appui, celui du photographe « écologiste » Yann Arthus-Bertrand, en échange du financement de son film Home cette fois. Soutiens (et voix ?) achetés, bienvenue au Qatar.

Une hérésie sportive

Difficile de considérer le choix du Qatar pour organiser la Coupe du monde 2022 comme dicté par les considérations sportives. Embourbée à la 113e place du classement FIFA, la sélection qatarie ne s'est jamais qualifiée pour un Mondial, et ne devrait pas le faire d'ici 2022. En outre, le championnat national est plus réputé comme maison de retraite pour vieilles gloires du foot européens à la recherche d'un dernier contrat juteux que pour son niveau de jeu. Desailly, Leboeuf et Dugarry y ont par exemple évolué en fin de carrière. La « culture foot » est absente dans le pays, ce qui laisse sceptique sur l'engouement autour de la compétition.

L'autre problème tient aux conditions climatiques dans lesquelles se dérouleront les rencontres, si la compétition a lui en plein été comme d'habitude. Les stades seront « climatisés » (voir plus bas), mais la température pouvant approcher les 50°C inquiète. Franz Beckenbauer a ainsi proposé de déplacer la Coupe du monde à l'hiver précédent. Cela entraînerait des modifications de calendrier importantes, mais pas infaisables. Michel Platini, le président de l'UEFA, s'est opposé à cette idée.

Un nain démographique

Jamais pays aussi peu peuplé n'a organisé de Coupe du monde. Avec son million et demi d'habitants, le Qatar fait pâle figure à côté de l'Afrique du Sud (50 millions), du Brésil (193 millions) et de la Russie (142 millions), respectivement organisateurs des éditions 2010, 2014 et 2018. Pour les cyniques, c'est une bonne nouvelle : autant de personnes qui ne seront pas lésées par les coûts exorbitants de l'organisation d'une compétition dont les bénéfices financiers reviennent à la FIFA. Mais les stades seront-ils pleins ? La question se pose. D'autant que l'attrait touristique du Qatar est limité. Aux problèmes de sécurité que pose la proximité de l'Iran, de l'Irak ou de l'Arabie Saoudite, s'ajoutent des aspects culturels qui pourraient refroidir les supporters étrangers, européens notamment. C'est le cas de l'interdiction de la vente d'alcool, hormis dans certains hôtels, ou de la situation des femmes dans le pays.

Sepp Blatter, le président de la FIFA, se pose de son côté en missionnaire du football. « Avec le Qatar, on ouvre le football à un nouveau monde, a-t-il déclaré. Le monde arabe, qui a essayé plusieurs fois avec le Maroc ou l'Égypte par exemple, d’abriter la Coupe du monde, pouvait légitimement prétendre à cette organisation. » Ces deux pays avaient surtout une bien plus grande culture foot que le Qatar et ses pétrodollars... Et de conclure : « Et puis l’Islam, c’est un milliard de personnes. » La Coupe du monde pour une religion, concept intéressant...

Une mine d'or économique

Le choix du Qatar est incontestablement la victoire des considérations économiques, et cadre bien avec la volonté de la FIFA de conquérir de nouveaux territoires, de nouveaux marchés. La faiblesse des infrastructures actuelles du pays implique de lourds investissements : 4 milliards de dollars pour construire neuf stades, en rénover trois autres et les équiper d'un système d'air conditionné, ainsi que 50 milliards de dollars au niveau des infrastructures. Des investissements qui s'inscrivent dans le très court terme, puisque les stades construits seront démontés à l'issue de la compétition ! Un marché juteux, donc. Surtout, le Qatar, contrairement à l'Australie ou aux États-Unis, se situe dans un bon fuseau horaire pour la retransmission de l'évènement en Europe, le marché des droits télé le plus juteux. Dès lors, dans un contexte de crise économique, ces revenus télévisuels assurés et la sécurité financière du Qatar ont forcément été des atouts. Et, petite note solidaire, les stades démontés après la Coupe du monde seront offerts à des pays en voie de développement. Avec le Qatar, la FIFA cherche à s'ouvrir le marché du monde musulman, au potentiel économique vertigineux.

Un désastre écologique ?

Aujourd'hui le pays qui a la plus forte empreinte écologique par habitant du monde, le Qatar est innovant, amenant la Coupe du monde dans le désert, faisant surgir des stades au milieu de nulle part, montés puis démontés spécialement pour l'occasion. L'énergie solaire devrait être mise à contribution, mais on peut douter de la qualité écologique d'une telle organisation. Le système d'air conditionné à l'intérieur des stades devrait par exemple être très gourmand en énergie.


Les points négatifs semblent donc prendre le dessus sur les positifs à l'heure actuelle, mais rien ne dit, par exemple, que le Qatar ne va pas rattraper d'ici là son retard sur le plan sportif. L'idée de planifier des matchs de la compétition dans d'autres pays a également été lancée par Sepp Blatter pour toucher des bassins plus larges de population. Mais on peut déplorer que le football soit dénaturé de la sorte au seul profit des intérêts économiques.

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