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Messi, un Ballon d'Or contestable ?

A la surprise générale, Lionel Messi a été sacré 55e Ballon d'Or, aux dépens de ses coéquipiers du FC Barcelone, Andrés Iniesta et Xavi. Alors qu'on attendait le couronnement de l'un des champions du monde espagnols, l'Argentin réalise le doublé, ayant déjà remporté le trophée l'an passé. Le changement de formule d'élection a joué un grand rôle dans sa victoire, ce qui soulève des débats sur la remise d'un tel trophée pour un sport collectif. L'analyse.



Le changement de formule

Cette année, le Ballon d'Or France Football et le prix du joueur de l'année de la FIFA avaient fusionné en un unique FIFA Ballon d'Or. La formule d'élection en était par la même modifiée. Désormais, un journaliste, le sélectionneur national et le capitaine de chaque pays affilié à la FIFA composaient le corps électoral. Cela pose d'ailleurs la question de l'hétérogénéité du corps électoral : le journaliste nord-coréen ou érythréen a-t-il les mêmes moyens pour juger et voter ? La voix du capitaine du Swaziland, qui n'a certainement pas accès à tous les matchs européens, a-t-elle réellement le même poids que celle du capitaine anglais Rio Ferdinand ? Pour la FIFA, oui.

23 joueurs avaient été désignés pour le vote, et le nom des trois finalistes avait été dévoilé quelques semaines avant la remise du trophée. Cet élargissement du corps électoral a entraîné un changement au niveau des critères de vote. Alors qu'auparavant, c'était le palmarès qui primait, désormais, cela se joue plus sur le talent pur, l'image dégagée. L'élection de Lionel Messi symbolise bien cette mutation. Auparavant, en année de Coupe du monde, le Ballon d'Or avait été sacré champion du monde quelques mois plus tôt. Désormais, on peut avoir manqué son Mondial mais quand même être élu. Wesley Sneijder, qui a réalisé le triplé avec l'Inter de Milan et est allé en finale de Coupe du monde, aurait ainsi été sacré si le vote s'était déroulé selon l'ancienne formule, uniquement avec le vote des journalistes (7,70% des voix). Mais il ne faisait même pas partie des trois finalistes.

Le talent pur consacré

Ainsi, c'est le talent pur de Messi, intrinsèquement supérieur à Xavi ou Iniesta, qui lui a permis d'emporter la mise. Ses dribbles, ses slaloms, ses exploits individuels font chaque semaine le tour des télévisions de la planète. Il est considéré comme le « meilleur joueur du monde ». En ce sens, le Ballon d'Or se rapproche certainement de sa volonté d'origine, de sacrer le meilleur footballeur de la planète. Reste que sur l'année 2010, un Xavi, par exemple, paraît avoir réalisé des performances plus régulières et décisives, notamment en Coupe du monde. Mais le Mondial semble perdre de son importance, tout comme le football des nations, plus généralement, dépassé par le football de clubs. Les votants ont majoritairement considéré les 34 buts de Messi en Liga plus importants que le but décisif d'Iniesta en finale de la Coupe du monde, par exemple. C'est acceptable ou non, selon l'idée que l'on se fait de la hiérarchie des compétitions, et selon les critères que l'on adopte. Le Ballon d'Or est donc amplement subjectif, et ce n'est pas la première fois qu'il crée la polémique. En 2006, l'élection de l'Italien Fabio Cannavaro avait déjà été très contestée.

Le début d'une longue ère de domination ?

Le problème d'une telle transformation du Ballon d'Or vers une récompense du talent pur, c'est qu'il se pourrait très bien que Messi emporte la mise encore plusieurs fois consécutivement dans les années à venir. A 23 ans, sa carrière footballistique est loin d'être terminée. Le record de Michel Platini (vainqueur trois fois consécutivement en 1983, 1984 et 1985) pourrait bien tomber dans les années à venir. Xavi et Iniesta, ses principaux rivaux pour l'élection de cette année, pourront pour leur part difficilement faire mieux qu'en 2010. Champions du monde, ils sont les chefs d'orchestre du Barça, considérée comme la meilleure équipe d'Europe, et de la sélection espagnole. C'était l'année ou jamais pour eux. De nombreux grands joueurs, qui mériteraient d'être récompensés, se verrait ainsi privés de la reconnaissance suprême, simplement pour avoir évolué pendant la période de gloire de Messi.

Des discussions interminables

Tous ces débats sont sans fin, et c'est peut-être aussi l'essence d'un tel trophée. Chacun a sa vision du meilleur joueur du monde, son idée, ses propres critères de jugement. Pour certains, il n'est pas pertinent d'attribuer une récompense individuelle pour un sport collectif. Au football, un grand joueur n'est rien sans de grands coéquipiers. Inclure dans une même élection tous les postes est également contestable. On juge différemment le travail d'un défenseur central ou d'un milieu défensif, souvent travailleurs de l'ombre, de celui d'un attaquant, qui récupère seul les honneurs d'un but inscrit. Peut-on juger sur les mêmes critères Messi, Puyol ou Casillas ? Objectivement, non. Ils sont tous trois parmi les meilleurs du monde à leur poste, remplissant leur mission chacun à la perfection. Mais alors que cela ne se traduit pas en statistiques pour les défenseurs (on recense rarement le nombre de tacles réussis, de duels remportés sur la fiche d'un joueur), l'efficacité d'un attaquant est très visible, par son nombre de buts ou de passes décisives. Le Ballon d'Or, qui n'a consacré qu'un gardien dans toute son histoire (Lev Yachine en 1963) et quatre défenseurs, privilégie ainsi clairement les joueurs offensifs. Et le changement dans le mode d'élection ne fait que renforcer la tendance.

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